Jour 35 / mardi / Portomarin / 23 km / total 698 km / Santiago 93 km

Après avoir connu une si longue séquence de beau temps, les éléments s'acharnent sur nous depuis trois jours. Bien qu'aujourd'hui soit moins venteux, moins pluvieux et moins froid, il n'en reste pas moins qu'une bonne partie du chemin est extrêmement vaseux et ruisselant d'eau. Il est très difficile de ne pas mouiller les chaussures et le rythme de marche est considérablement ralenti. Pour preuve, nous couvrirons les 23 kilomètres en plus de six heures.

Nous quittons Sarria au lever du soleil encore revêtus des ponchos. Le déjeuner est quand même savoureux, et apprécié. Il ne pleut pas vraiment mais un léger crachin tombera sans arrêt.

Il est difficile de s'arrêter regulièrement dans ces conditions alors nous filons d'un trait jusqu'à la pause de la mi-chemin vers les 13 kilomètres. On dirait que plus la fin approche et moins l'on fait attention à nous. Dans les premières semaines, il était inconcevable de faire si longs bouts sans s'arrêter mais maintenant, tant que la forme est bonne, on avance.

Malgré le temps, nous apprécions beaucoup les paysages extraordinaires qui s'offrent à nous. Nous voyons de tout, des marguerites, des choux sur tiges, des séchoirs à maïs, des chemins de pierres pour traverser des ruisseaux, des chataigniers et j'en passe.

Depuis qu'il ne reste que 150 kilomètres pour arriver à Santiago, il y a sur le chemin une borne kilométrique à tous les 500 mètres. C'est très encourageant, et très pratique pour évaluer les distances qui nous séparent entre autre des pauses-café et de l'arrivée.

Lorsque nous prenons le café peu après la borne des 100 kilomètres restants, Luis et un de ses compagnons entrent au même moment et nous avons encore une fois beaucoup de plaisir à nous revoir. Maintenant, nous ne nous disons plus "adios" mais "hasta luego".

En reprenant la route, nous nous retrouvons par hasard à marcher avec Daniel, un ami français, notaire à la retraite, que nous côtoyons à chaque jour depuis nos mésaventures d'O Cebreiro. Il était dans le lit voisin des nôtres ce fameux soir-là. Nous faisons les derniers dix kilomètres en sa compagnie.

Arrivés à Portomarin, nous recherchons ensemble une auberge pour la nuit. Notre premier choix est complet. Nous rebroussons chemin pour nous rendre à notre deuxième choix. Nous y arrivons et à notre grande surprise, les 14 lits qu'elle contient sont inoccupés et la place est étincelante de propreté. Encore une fois, l'endroit est différent de tout ce que l'on a connu jusqu'ici et c'est vraiment charmant. La dame est d'une gentillesse et d'une bonté qu'on a rarement vu. Elle est très patiente avec nous et répond toujours gentiment à nos questions. Je la surprends même à mettre du papier journal dans nos souliers pour les assécher. Comme il pleut, elle nous offre un parapluie quand nous sortons pour aller prendre une consommation. Une vraie soie. Photo.

On se fait un souper très sympathique à l'auberge avec Daniel et cette soirée sera mémorable tant le contact est agréable avec cette personne.

Rien n'est jamais parfait et tout ne va pas toujours comme on le souhaite. On voudrait plus de soleil, moins de pluie. Plus de belles auberges, moins de dortoirs impersonnels. Pourtant, beaucoup de bonnes choses et de bonnes personnes se retrouvent sur notre chemin. Les parents de Daniel lui répétaient souvent : "Si tu n'as pas ce que tu aimes, aimes ce que tu as". Pas mal non ?